Janna reçut du courrier chez elle quelques jours plus tard, et c’était la première fois que sa vie que cela lui arrivait; elle ne savait pas si c’était un honneur ou s’il y avait matière à s’inquiéter. Ce fut cette dernière option qui s’imposa à elle quand elle vit la lettre en question : un papier fourni sans enveloppe, avec seule une ficelle pour le tenir roulé sur lui-même. La lettre avait clairement pris l’eau au cours du voyage puisque le papier avait durci, et son nom écrit sur l’extérieur du rouleau avait presque été effacé : « Janna Viki Sannel sur la 7e de Letso Saan au sud-est de la fontaine, lot 18, premier étage »
L’allure négligée de la livraison ne fit que la rendre plus curieuse, elle qui pensait que seuls les plus nobles s’encombraient de lettres et de messagers.
« Ma très chère amie, sache que j’aurais mille fois préféré te voir en personne au lieu de faire écrire cette lettre, mais je n’ai hélas plus la force de voyager. Tu sais que je suis établie à Timokisar depuis un an et demi, et je regrette de t’apprendre que je vais surement y finir mes jours. Mon état ne s’améliore pas. Cette maladie qui a terrassé mon vieux père l’an dernier semble maintenant avoir jeté son dévolu sur moi, les traitements ont été jusque-là sans effet, et il semble que la magie ne puisse guérir les malades comme moi; selon les gens du coin à qui on a pu demander.
Je te prie de transmettre ce message à Meya. Même si ses actions et son silence m’ont profondément blessée, je crois toujours au fond de moi qu’il est une bonne personne, malgré ce qu’en disent les autres, et malgré ce qu’en dise notre mère. Ainsi je vous adresse cette lettre à tous les deux après qu’elle me l’a interdit, en espérant qu’elle finisse par accepter ses différences et ses écarts de conduite, tout comme elle a su accepter et pardonner les miens et ceux de Naja.
Ton amie et ta grande sœur jusqu’à la fin,
Savia Akavi Sannel, le 19 février 1618. »
Janna se laissa tomber face première sur sa couche.