Meya rouvrit les yeux. Il était couché, dans un lit qui n’était pas le sien, et une chambre qui n’était pas la sienne; et la première chose qu’il distingua fut Nesevi, qui était assis sur le sol à son chevet. Lorsqu’il constata son réveil, il le serra dans ses bras.
« Mon ami… tu es revenu! »
Il le serrait si fort, et sa tristesse et son inquiétude paraissaient dans sa voix émue.
« J’ai eu si peur de te perdre à jamais, souffla-t-il.
— Nesevi, que… qu’est-ce que ça veut dire? »
Le renard roux ne répondit pas tout de suite, profitant pour la première fois depuis des mois d’un contact physique avec Meya.
« Les autres disaient que tu étais parti pour de bon, dit Nesevi. J’ai eu raison de garder espoir. Tu es plus fort qu’eux. Plus fort que n’importe qui. »
Meya regarda subtilement autour de lui et reconnut l’appartement de Janna. Il n’avait aucun souvenir de s’être rendu ici, mais Nesevi semblait sincèrement heureux et soulagé.
« Nesevi… j’ai faim », dit-il.
Nesevi rigola de bon cœur, et il était si ému qu’il ne pouvait lâcher prise. « Oh! Mon ami! s’exclama-t-il. C’est si bon d’entendre ta voix à nouveau… »
Meya ne se souvenait de plus grand-chose, puis lorsque Nesevi le laissa se relever, les choses lui revinrent petit à petit. Mais lorsqu’il vit son reflet dans la glace, ce fut un choc.
« Nesevi… qu’est-ce qu’ils m’ont fait? »
Il constata le collier qu’on lui avait placé autour du cou, et soudainement il avait l’impression que celui-ci se resserrait autour de lui. Il le tâta avec nervosité, cherchant un mécanisme ou une attache à défaire, mais sa construction métallique était parfaitement uniforme et, hormis les fines runes gravées sur son contour, aucune déformation ne se faisait sentir. Il le prit à deux mains pour tenter vainement de le tirer de là, mais il n’eut d’autre résultat que la sensation désagréable de fourmis dans les bras et de son poil qui se hérissa, comme si une énergie quelconque le maintenait en place.
Il se laissa tomber à genoux, fixant son reflet dans le miroir. Sur son visage, son sentiment d’horreur et son désarroi étaient palpables.
« Je ne sais pas ce qu’ils t’ont fait, mais maitre Melvest a dit que tu ne réveillerais peut-être pas. Arashi, lui, a dit à tout le monde que tu étais mort. Mon ami… tu es resté endormi pendant trois semaines.
— Mais… qu’est-ce que cette chose qu’ils m’ont mise?
— C’est un inhibiteur. C’est censé t’aider à… résister à ta magie. Selon ce qu’a dit Melvest.
— Ils ont dit que tu étais trop dangereux pour être remis en liberté, dit Janna, qui venait d’arriver. Si j’ai bien compris… ils ont bien dit qu’ils allaient te tuer à un moment. J’ignore pourquoi ils ne l’ont pas fait. Par grâce ou par souci d’image, ou pour d’autres raisons insoupçonnées. Je suppose que c’est mieux ainsi…
— J’ai l’impression d’être moins qu’un renard, dit Meya, la voix enrouée. J’ai l’impression d’être…
— Un esclave », continua Janna.
Il tourna la tête en leur direction. Si c’était la première fois depuis des mois que Meya exprimait une émotion sincère devant eux, ils eussent aimé que ce fût autre que de la misère.
« Tout le monde va me voir avec ça », dit-il.
Les deux autres cachaient mal leur malaise. « Nous avons négocié pendant des jours avec eux, dit Janna. Ce collier était leur condition pour qu’ils te laissent sortir. Sinon, ils avaient le droit de te garder enfermé à vie, de te mettre à mort, et de faire ce qu’ils voulaient de toi. Ils nous ont garanti que tu ne courais pas de danger avec ça.
« Meya… tu nous dois des explications. Le coma, cet inhibiteur, et les explications de Arashi… il n’y a rien qui va dans cette histoire. Qu’est-ce qui s’est passé, pendant ton examen? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait? T’en souviens-tu? »
Meya mit beaucoup de temps à répondre. « Je… je ne peux pas vous le dire.
— Pourquoi?
— Je ne peux pas, c’est tout. Merci de respecter ça. Je l’ai échoué; c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. »